Histoire de la Faïencerie
Céramiques et pots d’Apothicaires de Montpellier
Les pots apothicaires et leur histoire
L’art de la faïence est une activité ancienne à Montpellier, Elle naît à la fin du XVIe siècle, répondant à la création de l’école (1221) puis de l’université de médecine (1285). Avec le XVIIe siècle, se multiplient les fondations hospitalières : à Montpellier, l’Hôtel de la Miséricorde, l’Hôpital général et dans la région, Pézenas, Pont-Saint-Esprit, Arles, Tarascon. Chaque institution possède son apothicairerie, favorisant une véritable industrie pharmaceutique qui nécessite vases et contenants nombreux pour abriter la riche pharmacopée du temps.
La thériaque était d’ailleurs l’une des préparations les plus populaires, associant prés de 60 ingrédients. Fils de Daniel Ollivier, « maître potier de fayance » (1651), Jacques (1675-1743) prend la tête de la prospère manufacture familiale et lui donne son réel éclat en la transformant par privilège en Manufacture royale (1725) ; elle aura jusqu’à 300 ouvriers. Parmi la production de l’atelier Ollivier, les vases de pharmacie sont les plus caractéristiques.
A des formes de grandes ampleurs, avec une ornementation très plastique faite d’anses torsadées où est sensible l’influence de l’Italie, elle associe son répertoire décoratif propre ; de grandes têtes où l’on a vu tour à tour des anges ailés ou des indiens rythment le corps du vase associées à des motifs de palmettes et de volutes qui encadrent le nom de la préparation.
Le traitement en camaïeu bleu et violet (oxyde de cobalt et manganèse) rappelle quant à lui les productions similaires de Marseille, autre grand centre faïencier du Sud-Est. Ce traitement original aux qualités décoratives indéniables connaîtra un grand succès pendant toute la première moitié du XVIIIe siècle.
Faïence d’Apothicaire de Montpellier
Ce texte est extrait du magazine Chemin-Faisant n°18 (novembre 2000) :
Les faïenciers étaient avant tout des artisans dont les productions répondaient à un éventail de clientèle le plus large possible, mais grâce à l’Ecole de médecine, les potiers de Montpellier s’étaient spécialisés dans la fabrication de pots d’apothicaire. Cette production fut favorisée par la politique de Louis XIV qui encourageait la création d’hôpitaux et de dispensaires munis de leur propre pharmacie.
L’hôpital de Pont-Saint-Esprit dans le Gard, l’Hôtel de la Miséricorde (1668) ou la pharmacie des hôpitaux Généraux de Montpellier possèdent encore des collections remarquables. La réputation des faïenciers de la ville était telle que des médecins, des apothicaires ou des parfumeurs de villes éloignées se fournissaient chez eux. Ce fut le cas d’un apothicaire de Tours qui, en 1634, passa commande de « poterie de faïence servant à l’art d’apothicaire tant boucars, pots, chevrettes, et aultres aiant chacun un feuillage et escripteau escrit au dedans d’iceluy ».
Ces ustensiles avaient différents usages, stocher les plantes médicinales ou les nombreuses préparations : les chevrettes servaient aux solutions liquides, les « albarelli » aux onguents, les « pots canon » aux préparations. Certains grands pots dit de « monstre » (de « monstrance », montrer) étaient destinés à être vus par la clientèle et contenaient des remèdes renommés comme les compositions galéniques, thériaques, mithridates, et autres confection d’alkermès et d’hyacinthe.
Emaillage et faïences de Montpellier
Un peu d’histoire…
Au siècle des Lumières, les fabriques de faïence furent à leur apothéose : jamais leur nombre n’a été, ni ne sera aussi important qu’à cette époque. Elles se modernisent passant ainsi du stade de l’atelier médiéval à une production pré-industrielle. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, le faïenceries furent favorisées par des Edits promulgués par Louis XIV.
Pour renflouer les caisses de l’Etat vidées par un règne affreusement dispendieux, le Roi contraignit les riches du Royaume à faire fondre leur argenterie et orfèvrerie. Pour faire face à une pénurie de vaisselle somptuaire, les potiers fabriquèrent des faïences imitant les modèles des orfèvres. Ce fut le cas du service du château de Marsillargues (près de Lunel) connu par un inventaire testamentaire très détaillé qui fut livré au Comte de Calvisson par les faïenciers de Montpellier.
La faïence blanche et bleue décorée de motifs conçus par Bérain, l’ornemaniste du Roy, est très en vogue, notamment celle produite par la fabrique de Jacques Ollivier qui obtint par privilège, en 1729, le titre de Manufacture Royale. Cette manufacture de Montpellier employait plus de 300 ouvriers qui fournissaient vaisselle de table, pots d’apothicaire ou même des objets usuels comme des fontaines, des encriers, des consoles ou des revêtements de cheminée. Plus tard, les peintres mirent d’autres tendances au goût du jour, en particulier celles de Moustier ou de Marseille.
Au milieu du siècle, une nouvelle technique, le Petit Feu, se généralisa. Elle permit d’enrichir la palette chromatique et fut appliquée pour les semis de fleurs au naturel inventés par les peintres allemands. A Montpellier, cette mode fit fureur : sur un émail blanc, des bouquets de fleurs champêtres entrelacent une rose cocardière peinte au violet de manganèse puis en bleu indigo. Vers 1770, André Philip, un faïencier de Marseille, travailla à la manufacture des Ollivier puis s’associa avec un autre atelier. Est-ce à lui que l’on doit l’introduction de la faïence à fond jaune passée à la postérité sous le nom de Vieux Montpellier ?
Le glas de la faïence montpelliéraine sonna au XIXème siècle : fascinés par la perfection des porcelaines, les notables boudèrent la faïence jugée alors archaïque.
Perdant cette clientèle argentée et ne sachant pas toujours rebondir lorsque les débouchés commerciaux vers les colonies furent freinés, la plupart des faïenciers firent faillite. Ce n’est qu’en 1907 que la faïencerie de Foncarade reprit le flambeau délaissé à la fin du XVIIIème siècle et remit au goût du jour les faïences à l’ancienne. Aujourd’hui, la fabrique Artus et Siffre en est la digne héritière, seule désormais à Montpellier à perpétuer un artisanat qui contribua à la prospérité de la ville pendant près de 4 siècles.
Faïencerie
Encore un peu d’histoire…
Dans l’histoire de la céramique, on peut estimer que les Egyptiens ont été les premiers à travailler l’argile , à émailler et décorer. Les Perses nous ont laissé la frise des Archers du Palais de Darius, qui est au musée du Louvre à Paris. Les Grecs ont beaucoup employé des rouges sur fond noir , sur des vases et des amphores. Les Romains eux, ont été influencés par les Grecs. Les Arabes adoptèrent la faïence. Ils la transportèrent en Afrique du Nord, Sicile, et de leur principal atelier des Baléares vers l’Italie . Les Italiens du XIVème siècle s’installèrent dans les environs de Florence et surtout Faenza. C’est ainsi que la Majolique devint Faïence. Nous ne trouvons aucune trace, à Montpellier, avant 1571, et pourtant les liens étaient étroits avec le Royaume de Majorque jusqu’en 1344.
La Faïence de Montpellier de 1671 à 1820 :
Le développement des pots en faïence à Montpellier vient en grande partie des besoins en vases et pots des apothicaires. On trouve un contrat , daté de 1571, qui lie Pierre Esteve, huguenot qui travaille à l’ombre de la cathédrale, à une association de grossiste pour des poteries d’apothicaires « peintes et colorées ».
Les pièces : cabrettes, albarelli, monstre et piluliers furent exécutées. En 1578, P. Esteve abandonne son atelier à Jehan Faihere, neveu de Syjalon, potier nîmois, antérieur à Esteve. Il décède en Septembre 1596. Sa fille Marguerite et son fils jean lui succèdent. Jean est attiré par le Duc de Montmorency, à la grange des pres à Pézenas. Vers 1600, Pierre Favier le vieux est initié par un Maître italien , Francisco Boesina, et Daniel Ollivier par Nicolao Insola, dit Nicolas Delisle. Dès 1638, des potiers : Boissier, Collondre, et François Martin confectionnent des pots d’apothicaire. En 1678, Pierre Collondre réalise de la vaisselle à l’hispano-mauresque. Les échanges d’ouvriers existent entre Nevers et la Hollande.
D’autres essaiment à Toulouse, Bordeaux, Clermont et tout le sud-ouest. Les guerres ayant épuisé le trésor royal, Louis XIV, en fin de règne, promulgue un édit à fondre toute l’argenterie. La faïence remplace alors les métaux pour la vaisselle. En 1725, une manufacture royale est créée à Montpellier, dirigée par Jacques Ollivier. Elle emploie plus de 300 ouvriers qui travaillent, logent et sont nourris au Faubourg du Courreau. Elle exporte en Italie, Hollande, aux Amériques, en Orient. Jacques Ollivier meurt en 1743 . La veuve paie les dettes. L’apogée de la Manufacture avait été en 1725 où des peintres, comme Vien et Hubert, étaient sous contrat avec Ollivier. La fabrication avec fleurs , lancée par le hollandais Hannong à Strasbourg, avait commencé en 1719. Egalement, la faïence bleue, imitée de celle d’Italie, et les dessins dit « de Berain » en camaïeu de bleus, ornaient les poteries. De nombreux artisans: Boirac, Rome, Fesquet, Jullien, Milhaud, Boissier, les frères Dupre au Pila Saint-Gély, fabriquaient à Montpellier.
Rénovation :
Le 29 Août 1901, M.Louis Rouvier, Avocat et Conseiller Général du 2ème Canton de Montpellier, fait un rapport sur la rénovation de l’industrie faïencière locale, disparue depuis deux siècles. Le 29 Août 1901, M.Ernest Michel, Directeur de l’Ecole Régionale des Beaux-Arts de Montpellier, écrit au Président du Conseil Général de l’Hérault. Il suggère des cours d’Art décoratif pour les étudiants avec des applications céramiques pouvant servir à l’industrie. Un budget est établi d’environ 3 150 francs (….?) dont un tiers sera à la charge du département, un tiers à la ville de Montpellier et le dernier tiers pour l’Etat. Cela débute en 1965 avec une classe de quinze élèves à qui seront dispensés douze heures de cours hebdomadaires. M.Raoul Dussol, sculpteur statuaire, crée une nouvelle faïencerie10 rue du Plan d’Agde. Une école professionnelle y est adjointe.
Elle est subventionnée par P.Arnavielhe, Industriel et Président du Tribunal de Commerce de Montpellier. Cette idée était bonne car elle permettait de trouver un pendant à l’utilisation des sols par la seule viticulture alors en pleine crise et, également, à ne pas importer de la faïence. A cette époque, en Angleterre,dans le seul district de Stafforshire, existaient environ 300 fabriques qui exportaient pour 60 millions de francs de faïence. En 1907 est créée la faïencerie de Font-Carrade dont le proprietaire était M.Dussol jusqu’en 1920.Les aménagements étaient modernes pour l’époque, la tradition du Vieux Montpellier était reprise. Seule l’argile de la région était employée, venant de Juvignac, La Paillade, Murviel-les-Montpelllier. En 1920, Font-Carrade est acheté par M.Michelon, bijoutier à Montpellier.Cela donnera un certain dynamisme, grâce à un bon faiseur dénommé Mistrangellot.
De 1940 à 1946 :
En 1942, dans le cadre de la Charte du Travail de l’Etat Français, la faïencerie de Font-Carrade est transformée en Ecole de Formation Artistique. En 1946, l’école est transformée en Centre de Formation Professionnelle Accélérée qui a été fermé en 1950, après dispersion de l’outillage. Les stages de ce Centre sont pour vingt élèves et ont une durée de neuf mois: les trois premiers mois servent à apprendre à lancer le tour à pied et travailler l’argile, les suivants à étudier les formes, le dernier au sechage et passage au four des pièces. M.Paul Artus, né à Montpellier en 1914, exerce le métier de peintre-décorateur jusqu’à la guerre, en 1940. A son retour de captivité, il reprend son métier et, un jour de neige, fait la connaissance de Font-Carrade. Il s’inscrit au stage.
De 1947 à 1992 :
A la fin de stage, Paul Artus installe son premier atelier 121 Avenue de Lodève, en 1947. Pierre Artus, fils de Paul, aide son père et prend des cours à l’Ecole des Beaux-Arts. En 1963, après la vente de la propriété sur laquelle se trouvait l’atelier, ils construisent, sur une partie des terrains, l’habitation et l’atelier qui sont depuis ce jour : 68, rue de la Taillade. Au lycée, Henri Siffre fait la connaissance de Nicole, la fille de Paul et soeur de Pierre.Il vient à l’atelier et il épouse Nicole et le métier. En 1980, au départ à la retraite de Paul Artus, la Céramique d’Art Paul Artus cède la place à la « Poterie Faïencerie Pierre Artus et Henri Siffre ». C’est une société de fait où chacun des associés crée, fabrique et signe sa production. La production est vendue directement, basée sur la reproduction du « Vieux Montpellier ».
La Fabrication :
Pour fabriquer des objets en faïence, il faut prendre de l’argile et la travailler avec un tour pour les objets ronds (pots, vases, assiettes, etc…), en vérifiant un bon centrage et obtenir une épaisseur d’environ 5 à 7 mm pour 30cm de haut: c’est le tournage, ou modeler de ses mains(comme un sculpteur) une pièce unique : c’est le modelage. L’estampage se fait à l’aide d’un moule en plâtre que l’on garnit manuellement. C’est un moulage appelé « coulage » lorsqu’il se fait de façon industrielle. Lorsque l’objet est terminé, on le fait sécher à l’air libre. La terre change de couleur et se raffermit. Une première cuisson se fait au four , avec pré-chauffage lent pour arriver au bout de 10 heures a 1.020 degrés. Vers 425 degrés, le gaz et l’eau contenus dans l’argile se sont évaporés.Un regard permet de voir une montre qui est un témoin en argile.Un pyromètre à cadran mesure la température.
Et l’on a obtenu un biscuit que l’on trempe dans un liquide à base d’eau et de poudre d’émail, avec une densité de 1.500. Dés que ce fond est sec, on peut peindre avec des émaux la décoration que l’on souhaite sur les objets. On fait cuire au four à une température d’environ 960 à 980 degrés pour la faïence. Le tour est un instrument très ancien qui se fait mouvoir avec les pieds. Aujourd’hui, il existe des tours à propulsion électrique. Autrefois la terre était retirée dans le Domaine de Malbosc ( La Paillade ). C’était un marne gris auquel on ajoutait la terre d’Argeliès à raison de 25%.
Le Vieux Montpellier :
Ce que l’on appelle aujourd’hui le « Vieux Montpellier » ce sont, des objets en faïence qui ont des décors floraux, sur fond blanc ou jaune, des bouquets légers, des roses de couleurs bleu vif et clair, au feuillage d’un vert jaune, de quelques fleurettes bleues et oranges.